La Phrase 14/05/15


ÉCRITURE DU JOUR :
Rien, cette écume, vierge vers / À ne désigner que la coupe ; / Telle loin se noie une troupe / De sirènes mainte à l’envers. /Nous naviguons, ô mes divers / Amis, moi déjà sur la poupe / Vous l’avant fastueux qui coupe / Le flot de foudres et d’hivers. Une ivresse belle m’engage / Sans craindre même son tangage / De porter debout ce salut / Solitude, récif, étoile / À n’importe ce qui valut / Le blanc souci de notre toile. (Salut, Stéphane Mallarmé, 1893)
Ô rêveuse, pour que je plonge /
Au pur délice sans chemin, /
Sache, par un subtil mensonge, /
Garder mon aile dans ta main. /
Une fraîcheur de crépuscule /
Te vient à chaque battement /
Dont le coup prisonnier recule /
L’horizon délicatement. /
Vertige ! voici que frissonne /
L’espace comme un grand baiser /
Qui, fou de naître pour personne, /
Ne peut jaillir ni s’apaiser. /
Sens-tu le paradis farouche /
Ainsi qu’un rire enseveli /
Se couler du coin de ta bouche /
Au fond de l’unanime pli ! /
Le sceptre des rivages roses /
Stagnants sur les soirs d’or, ce l’est, /
Ce blanc vol fermé que tu poses /
Contre le feu d’un bracelet.
(Stéphane Mallarmé, Éventail de Mademoiselle Mallarmé, 1884.)